Les Rhéophiles de
l'Afrique de l'Ouest

Par Naoufel Dekhli

Articles de base

     L'adjectif "rhéophile" est d'origine grecque, il se décompose en "rheos" et "philo" qui signifient respectivement courant et aimer. En effet, ces poissons se rencontrent dans les rivières de l'Afrique occidentale aux courants violents : le fleuve Congo (inférieur et supérieur ) ainsi que ses affluents qui traversent le Zaïre. Ces cichlidés se sont adaptés au cours de leur évolution à la violence de leur fleuve natal ainsi, leur forme de corps allongée, profilée et surtout très aplatie leur permet de lutter contre la violence des remous. Ils ont perdu une partie de leur vessie natatoire. De ce fait, ils sont incapables de nager comme le font tous les autres poissons et se déplacent par bonds sur le substrat. L'exemple type de la morphologie du poisson rhéophile est sans doute Teleogramma brichardi qui présente un corps on ne peut plus aplati.

     Les espèces rhéophiles sont des poissons robustes assez peu sujettes aux maladies provoquées par des défauts de maintenance. Il faudra tenir compte de la spécificité de leur habitat naturel afin de leur proposer un aquarium répondant parfaitement à leurs exigences. Comme leur habitat naturel subit des remous incessants, l'eau est énormément oxygénée. Ce sera donc le point principal avec lequel il faudra composer. L'utilisation d'une pompe d'oxygénation est indispensable. De plus on s'assurera que le débit de refoulement du filtre soit égal à deux à trois fois le volume de l'aquarium par heure. Le pH atteindra alors une valeur de 7,5 à 8,0. Ces poissons sont indifférents quant à la dureté de l'eau mais pour plus de réussite dans leur reproduction, on se basera sur les mesures prises dans leur milieu originel : entre 10 et 15° TH fra. La température de l'eau devra être comprise entre 24 et 26°C. Le bac sera décoré avec des pierres plates superposées à l'arrière plan et des racines. On pourra aussi dissimuler des noix de coco et des tubes de P.V.C. de 5 centimètres de diamètre qui pourront être utilisées comme sites de ponte car tous les rhéophiles de la liste qui va suivre sont des pondeurs sur substrat caché. On pourra planter au premier plan mais pour l'arrière plan, on choisira des plantes robustes entourées par des petits cailloux pour éviter qu'ils ne les déracinent pendant leurs travaux de terrassements. Faisons donc un tour de table des principaux cichlidés rhéophiles africains.


Steatocranus casuarius Poll, 1939 :

     Il est sans nul doute le plus connu des rhéophiles. Le dimorphisme sexuel est apparent dès une taille de 4 à 5 cm : les mâles sont les seules à arborer une bosse frontale. D'ailleurs Steatocranus vient du mot grec "steatos" : graisse et du latin "cranium" : crâne. La femelle est toujours plus petite que le mâle : aussi bien au cours de sa croissance qu'à taille adulte. Monsieur peut atteindre 12 cm - taille à laquelle sa gibbosité graisseuse devient très impressionnante - contre 9 pour sa compagne. Ils sont de couleur gris ardoise et leurs yeux sont cerclés de bleu. La nageoire dorsale est très effilée et dépasse souvent la caudale chez les mâles. Ils acceptent tous types de nourriture et on variera le plus possible avec des artemia, mysis, daphnies, et granulés. Ils raffolent également des vers de terre, comme toutes les autres espèces suivantes. Ils se reproduisent sans problèmes particuliers et leurs pontes dépassent souvent la centaine d'oeufs. Les parents surveillent peu leurs alevins, phénomène couramment répandu chez les espèces rhéophiles. On suppose que cet instinct de protection assez peu développé vient du fait que dans la nature les courants doivent disperser les alevins dès leur nage libre. On retiendra aussi de Steatocranus casuarius qu'il est très calme et qu'il représente le seul cas d'harmonie parfaite entre les deux partenaires du couple, l'entente chez les autres espèces étant parfois problématique. On pourra le maintenir en bac d?ensemble aux dimensions suivantes : 100/40/50cm (L/l/h) - voire 100/30/40 pour un couple seul.


Steatocranus tinanti Poll, 1939 :

     Il se distingue assez nettement de son cousin S. casuarius : la gibbosité graisseuse est absente. Il est également beaucoup plus svelte. Les mâles mesurent jusqu'à 13 cm contre 10 à 11 cm pour les femelles. Il présente souvent les mêmes couleurs que S. casuarius mais parfois il a une robe brune rehaussée de rouge foncé. Il se rencontre essentiellement dans la région de Kinshasa. La maintenance et la reproduction sont identiques à S. casuarius mais en raison d'une taille plus grande, il convient d'offrir à S. tinanti un aquarium dont la longueur ne sera pas inférieure à 120 cm. Les alevins peuvent manger dès leur nage libre des nauplies d'artemia. Pour une information plus complète sur S. tinanti on se référera avec profit à l'article de Annie et Alain Sageret dans l'AQUA plaisir n° 32 datant de Février 1999.


Lamprologus congoensis Schilthuis, 1891 :

     L'étymologie du mot Lamprologus nous renseigne sur le coloris de cette espèce : "lampros" vient du grec et signifie brillant. En effet, ces poissons présentent une robe grise et toute la partie arrière du corps jusqu'à la nageoire caudale est parsemée de points blancs nacrés. Les mâles mesurent jusqu'à 15 cm alors que les femelles dépassent rarement 9 cm. Ils ont une forme très élancée. Les femelles ont souvent le corps zébré de barres verticales brunes. En période de garde parentale, la robe des deux partenaires devient très sombre. De plus, les yeux de la femelle s'illuminent et rappellent alors ceux des cichlidés d'Amérique centrale Neetroplus nematopus en garde parentale. En raison de leur taille plus conséquente et de leur comportement assez agressif, il vaut mieux les maintenir dans un bac spécifique aux dimensions 100/40/50cm ou alors dans de plus grands volumes pour les faire cohabiter avec d'autres espèces. Dès leur nage libre les alevins sont presque indépendants : ils recherchent avidement leur nourriture et se dispersent à l'écart du site de ponte. A une taille de 2 cm, les alevins présentent une ressemblance frappante avec des Teleocichla (cichlidés rhéophiles d?Amérique du sud).


Teleogramma brichardi Poll 1959 :

     Le genre Teleogramma comprend quatre espèces : T. brichardi, T. depressum, T. gracile, T. monogramma. Le plus connu de cette famille est T. brichardi car ses cousins sont pratiquement inconnus en aquariophilie. Ils habitent le Congo inférieur et la rivière Kasai, un de ses affluents. Le mâle est plus grand que la femelle et cette dernière se distingue par une zone abdominale de couleur rouge foncé qui s'intensifie quand elle est gravide. Chez les deux sexes, la nageoire dorsale est bordée d'un liseré blanc. Leur comportement en aquarium est rarement harmonieux, du moins dans les premiers temps. Néanmoins ils pondent sans difficultés particulières et, pendant que la femelle s'occupe des oeufs, le mâle va se charger de la défense du territoire. Comme pour la plupart des rhéophiles les alevins deviennent très vite indépendants et adoptent un comportement territorial en très peu de temps. Les nauplies d'artemia sont une nourriture idéale pour le démarrage des alevins.

     Les cichlidés rhéophiles africains ont du succès auprès des aquariophiles. Leur nage maladroite et comique et leur comportement compensent largement leur robe triste. On ne peut que déplorer leur rareté sur le marché aquariophile. Mais quelques passionnés les reproduisent et les rendent un peu chaque jour moins rares.


BIBLIOGRAPHIE :


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