L'éclairage de l'aquarium marin
Par Christophe SOLER

Marin et Récifal

     S'il existe un paramètre à ne pas négliger lors de l'installation d'un aquarium marin et plus particulièrement récifal, il s'agit bien de la lumière. La lumière solaire, sans laquelle la vie sur terre ne serait possible, est la source d'énergie de la planète. A ce titre, elle est indispensable au fonctionnement de l'écosystème récifal aussi bien dans la nature que dans l'aquarium. Le choix des sources lumineuses d'un bac marin doit donc être parfaitement réfléchit. Le bien être des poissons et la prospérité des invertébrés en dépendent étroitement.

Lumière et invertébrés :

     La plupart des invertébrés de la classe des anthozoaires (simplistement appelés ''coraux'') disponibles dans les commerces spécialisés, qu'ils soient durs ou mous vivent en association étroite avec différentes espèces d'algues unicellulaires : les zooxanthelles. Ces algues microscopiques logées dans les cellules endodermiques des polypes jouent un rôle crucial dans le métabolisme de l'animal. Certains auteurs avancent le chiffre de 30000 algues/mm3 en moyenne ce qui pourrait représenter plus de 60% de la biomasse en protéine du corail pour certaines espèces. L'association entre ces algues et le polype constitue une symbiose vraie qui est profitable autant à l'algue qu'à l'animal.

     Grâce à leur capacité photosynthétique, qui est en fait la transformation d'une énergie lumineuse en énergie chimique, ces zooxanthelles modulent fortement le métabolisme général ainsi que la calcification des coraux (figure 1). Tous les coraux hermatypiques (coraux durs constructeurs de récif) possèdent des zooxanthelles dans leurs tissus, et la capacité de bâtir d'importants édifices récifaux est étroitement liée à la photosynthèse. La fenêtre du spectre utilisable par les pigments photosynthétiques contenus dans les zooxanthelles (chlorophylles, caroténoïdes, xanthophylles) est comprise entre 300 et 700 nm (figure 2). Les différents pigments n'absorbent pas aux mêmes longueurs d'onde ce qui permet aux zooxanthelles d'utiliser presque tout le spectre et de s'adapter aux différentes conditions d'éclairement (la profondeur par exemple où la lumière bleue domine) en faisant varier la distribution relative des différents pigments.

Un peu de théorie : Les paramètres :

     La lumière visible ne constitue qu'une très faible portion du rayonnement dispensé par le soleil. C'est une onde électromagnétique caractérisée par sa longueur d'onde exprimée en nanomètres (nm). Une longueur d'onde donnée est perçue par nos yeux comme une couleur (exemple 400 nm = bleue). La lumière visible est en fait composée d'une multitude de longueur d'ondes comprises entre 380 (violet) et 770 nm (rouge) constituant le spectre visible.

     Plusieurs paramètres sont à prendre en compte lors du choix d'une source lumineuse (cf aussi Fig.3)

     Le flux lumineux exprimé en lumens (lm) donne une indication de l'intensité visuelle de la lampe. Il est proportionnel à la puissance des lampes exprimée en watts (W) mais des lampes de même puissance n'ont pas forcément le même flux.

     L'éclairement exprimé en lux représente le flux lumineux par unité de surface. Ainsi 1 mètre carré de récif recevant 20000 lumens subit un éclairement de 20000 lux. Sur un récif, il n'est pas rare de mesurer à la surface de l'eau un éclairement de plus de 100000 lux à midi alors que cet éclairement diminue rapidement avec la profondeur selon la transparence des eaux (environ 45000 lux en moyenne à 1 mètre de profondeur et seulement 20000 lux à 5 mètres) et la présence de nuages.

     Le spectre de la source lumineuse est un élément de première importance dans le choix de celle-ci. De la composition du spectre des lampes va dépendre le développement des invertébrés pourvus d'algues symbiotiques (les zooxanthelles). De plus deux autres paramètres dépendent directement de ce spectre. La température de couleur exprimée en Kelvin (K) donne une indication sur la couleur de l'éclairage (de jaune à plus ou moins bleuté). Plus la température de couleur est élevée et plus on parle d'ambiance froide. Généralement les températures des sources d'éclairage du commerce varient entre 5000 (les plus jaunes) et 20000 K (les plus bleutées), la température de couleur du soleil étant environ en surface de 5800 K. Celle-ci passe à 6500 K à 1 mètre de profondeur, 10000 K à 5 mètres et aux alentours des 20000 K à 10 mètres. L'indice de rendu des couleurs (IRC) indique la fidélité de la restitution des couleurs de la source par rapport à la lumière solaire (indice 100). Généralement on considère que la qualité de l'IRC est médiocre si la valeur de celui-ci est inférieure à 60 et que l'IRC est bon au-dessus de 80.

     Une autre unité de comparaison des sources lumineuses est de plus en plus utilisée. Il s'agit de la Photosynthetically Available Radiation (ou PAR) qui rend mieux compte de l'intérêt photosynthétique d'une source lumineuse. Contrairement à la valeur de l'éclairement en lux qui couvre tout le spectre visible, la valeur de la PAR (en µEinstein/m²/s) donne une mesure de l'éclairement des radiations comprises entre 400 et 700 nm, fenêtre du spectre visible la plus utile à la photosynthèse des algues puisque les pigments photosynthétiques utilisent surtout les longueurs d'onde comprises entre 400 et 550 nm (bleu-vert) ainsi que celles comprises entre 650 et 700 nm (orange-rouge). La PAR se mesure à l'aide d'un quantum-mètre. A titre indicatif, en plein soleil et sous nos latitudes la valeur de la PAR est d'environ 2000 µE/cm²/s mais l'effet de loupe créé par les vagues à la surface de l'eau peuvent provoquer des pointes à 4000 µE/cm²/s et ceci plusieurs fois par seconde. Ces flash intenses pourraient optimiser le processus photosynthétique des algues symbiotiques.

     Concrètement, le choix se portera sur les sources lumineuses à flux lumineux élevés et dont le spectre est le plus complet possible avec un pic intense dans les bleus (vers 430 nm) et si possible dans les rouges (vers 670 nm). Il ne faut également pas perdre de vue que les exigences d' un bac peuplé de coraux mous ne seront pas les mêmes que celles d'un bac peuplé de coraux durs à petits polypes (SPS) très gourmands en terme de quantité de photons.

Les sources lumineuses :

     L'aquariophile dispose aujourd'hui de deux sortes de sources lumineuses qui ont démontré depuis de nombreuses années leurs efficacités dans de nombreux bacs récifaux à travers le monde.

     Encore très répandus chez les aquariophiles récifaux malgré un développement plutôt favorable aux lampes aux iodures métalliques (HQI), il se pourrait que l'apparition récente sur le marché français de nouvelles générations de tubes fluorescents (« fluo » compacts) inverse la tendance. Le principe du tube fluorescent est simple. Un tube de verre possédant à chaque extrémité une électrode, est remplis de vapeur de mercure à basse pression. Une différence de potentiel appliquée entre les électrodes induit une émission d' UVc à 253,7 nm. Ces UVc excitent des luminophores chimiques déposés sur la face interne du tube ce qui engendre une émission de lumière visible dont la nature dépend des luminophores tapissant le tube de verre. Les tubes fluorescents sont disponibles en plusieurs longueurs et puissances. De plus, l'existence de nombreux spectres et températures de couleur permet un large choix et la réalisation de combinaisons de tubes aboutissant à une intensité et une qualité optimale en fonction de la particularité de chaque aquarium.

     D'une manière générale, une combinaison de tubes lumière du jour (daylight) et de tubes bleus ou supra-actiniques est toujours d'actualité mais attention aux choix des tubes lumières du jour dont certains sont aujourd'hui complétement obsolètes. Les tubes lumière du jour standard sont de nos jours dépassés et il est préférable de porter son choix sur des combinaisons de tubes triphosphores beaucoup plus performants. De nombreux distributeurs de matériel aquariophile proposent aujourd'hui des tubes spéciaux utilisant la technologie triphosphore qui sont tout à fait adaptés à l'éclairage des bacs récifaux. Il est alors préférable de choisir des tubes dont l?efficacité lumineuse est élevée et possédant un spectre renforcé dans les bleus et les rouges. Un I.R.C élevé permettra un rendu esthétique de qualité. Sont également présents sur le marché des tubes haute puissance (H.O pour High Output et V.H.O pour Very High Output) nécessitant des ballasts spéciaux plus puissants. Certains d'entre eux ont des spectres et température de couleur intéressants mais sont relativement décevants quant à leur efficacité lumineuse. Par ailleur, parmi les tubes triphosphores non spécifiques à l'aquariophilie que l'on peut se procurer chez l'éclairagiste du quartier, on distingue les tubes haut rendement possédant une efficacité lumineuse élevée, les tubes haute qualité présentant un spectre renforcé dans les rouges et un rendu esthétique supérieur et les tubes haute restitution à l'IRC proche de la perfection possédant un spectre quasiment identique à la lumière solaire. Concrètement, une association de tubes haut rendement et de tubes haute restitution dans un rapport 1:1 vous donnera un bon compromis entre efficacité lumineuse et esthétique pour un coût très correct. Cet éclairage lumière du jour devra être complété par un éclairage bleu ou supra-actinique afin de ''booster'' la part des rayons bleus utiles à la photosynthèse et d'optimiser l'aspect esthétique. Pour ce faire, vous avez le choix entre les tubes bleus et les tubes supra-actiniques. Les premiers présentent un spectre plus large (entre 400 et 500 nm) que les seconds avec pour conséquence une luminosité dans le bleu visiblement supérieure. Les seconds possédent un pic très étroit vers 420 nm donc très utile à la chlorophylle (pic d'aborption vers 430 nm) mais sont visiblement moins lumineux. Enfin des tubes fluorescents compacts viennent de faire leur apparition sur le marché français. Ces tubes surpuissants sont prometteurs car ils possédent une efficacité lumineuse élevée et les valeurs de PAR mesurées sont supérieures à celles mesurées avec des tubes fluorescents V.H.O de puissances équivalentes. De plus, ces tubes chauffent peu et leur durée de vie est au moins 50 % supérieure à celle des tubes classiques (18 mois contre 12 mois maximum). Ils existent en deux température de couleur 6700 et 7100 K. Ces tubes semblent donc particulièrement adaptés à l'éclairage de bacs de poissons et d'invertébrés.

     Actuellement, la vedette des sources lumineuses utilisée dans bon nombre des plus beaux bacs récifaux est sans aucun doute l'ampoule HQI. Les efforts importants des distributeurs réalisés tant sur le choix des ampoules et des projecteurs, associés à une baisse des prix pratiqués font de cette excellente source lumineuse une source dont le rapport qualité prix est maintenant largement supérieur à celui des tubes fluorescents. En effet, pour prétendre à un flux lumineux équivalent, il vous faudra par exemple 7 tubes fluorescents haut rendement de 30 W chacun (90 cm) contre un projecteur HQI de 250 W ce qui n'est plus financièrement en faveur de l'éclairage par tubes sans compter le soucis occasionné par le camouflage des fils électriques qui alimentent 7 tubes.

     Aujourd'hui plusieurs ampoules disponibles en France ont démontré leur efficacité sur le plan biologique (photosynthèse) et esthétique. Si les bonnes vieilles ampoules Osram lumière du jour (Powerstar HQI TS/D) ont participé à la naissance de superbes bacs récifaux et continu d'ailleurs à être la principale source de lumière de certains aquariums, sont apparues assez récemment des lampes à usage aquariophile dont le spectre a été spécialement étudié pour répondre aux besoins des algues symbiotiques. Les distributeurs de matériel aquariophile proposent des projecteurs simples ou des galeries très sophistiquées intégrant plusieurs projecteurs HQI et des tubes fluorescents bleus classiques ou compacts. Certaines galeries sont refroidies par des ventilateurs, ce qui préserve la durée de vie des ampoules et évite un surplus de chaleur entre la galerie et la surface du bac. Les ampoules HQI existent en plusieurs puissances (150, 250, 400W pour la plupart des marques et 1000 W et plus pour certaines) et température de couleur (5200, 6000, 6500, 10000 et 20000K selon les marques).

HQI ou "Fluo " ? :

     Cette question se pose forcément lors de l'installation d'un bac marin. Sachez que la réponse dépend de vos objectifs de maintenance (poissons, coraux mous, LPS ou SPS), des dimensions de l'aquarium, de l'aspect esthétique de votre installation et de votre budget. Sachez d'une manière général que la lumière issue des projecteurs HQI est plus réaliste que celle des tubes fluorescents et pénètre mieux dans les aquariums profonds. Si vous envisagez l'installation d'un aquarium où les coraux durs à petits polypes (SPS) sont les animaux dominants, alors il faut des photons à profusion, donc des HQI. Mais si le bac est peu profond (moins de 50 cm), une installation avec de nombreux tubes fluorescents est envisageable. Pour les bacs de poissons, coraux mous et LPS tout est possible si la profondeur de l'aquarium ne dépasse pas certaines limites (70-80 cm) aux delà desquelles il vous faudra de l'HQI. Enfin, pensez à changer vos tubes tous les ans (tous les 6 mois pour les bleus et supra-actiniques) et vos ampoules HQI tous les 8-9 mois en prenant soin de réduire la photopériode ou de remonter vos HQI pendant quelques jours suivant le changement afin d'éviter de brûler vos invertébrés.

Optimiser son éclairage :

     Le choix des sources lumineuses effectué, quelques ''détails'' importants peuvent grandement influencer la qualité de l'installation. L'usage de tubes fluorescents sera par exemple optimisé s'ils sont utilisés avec une alimentation électronique (type Quicktonic® d'Osram). La durée de vie des tubes sera ainsi allongée et la consommation électrique réduite. Par ailleurs, l'utilisation de réflecteurs placés sur les tubes réduira les pertes lumineuses inutiles. L'éclairage HQI, quant à lui sera encore plus efficace si les projecteurs sont dotés de réflecteurs grand angle. Par ailleurs de nouvelles générations de réflecteurs à facettes (SpiderLightTM de Digital Ocean Corporation) plus efficaces viennent de voir le jour mais ne sont pas encore commercialisées en France. N'oubliez pas non plus d'utiliser un verre trempé d'au moins 4 mm entre l'ampoule et l'aquarium afin de protéger l'ampoule contre les projections d'eau et de limiter le passage des UVa et b.

     Quant à la photopériode, elle doit être d'environ 10-12h avec un allumage et une extinction progressifs réalisés avec les tubes bleus ou supra-actiniques. Figures

Figure. 1 Rôle de la lumière dans le métabolisme des coraux (modifié d'après Muscatine et Porter, 1977).

Figure. 2 Spectre d'action de la photosynthèse des Dinoflagellés symbiotiques isolés de Favia (modifié d'après Halldal, 1968)

Figure. 3 Caractéristiques de quelques sources lumineuses

Sources lumineuses
Eclairement en lumens
Puissance en Watts
I.R.C
Température de couleur en Kelvin
PAR Relative (ampoule 400w)
Tubes haut rendement
1300
18
86
6000
?
3250
36
86
6000
?
Tubes haute restitution
1000-1050
18
97
6500
?
2200-2300
36
97
6500
?
HQI Osram TS/D
11000
150
90
5200
?
19000
250
93
5200
?
35000
400
90
5400
?
HQI Aqualine Buschke
?
150-400
?
10000
135
HQI Venture (Coralux)
?
150-400
?
>10000
?
HQI General Electric
?
150-400
?
6000
141
HQI Aqua connect
?
150-400
?
11700
?
HQI Arcadia (Iwasaki)
11000
150
?
6500
?
?
400
?
6500
203
HQI Arcadia
10000
150
?
10000
?
14000
250
?
10000
?
HQI Osram Radium
?
400
?
20000
116


Retour

Si vous avez des corrections à appporter sur cette page, ou des questions à nous poser, contactez nous par mail
Si vous voulez revenir au sommaire "aquariophilie", cliquez ici
Si vous souhaitez retourner sur la page d'accueil, cliquez ici